On souffle
On émerge de la fin du crépuscule avec l’envie de gerber. Comme chaque matin, on a l’impression que le kaléidoscope de la veille nous envoie la tête dans la cuvette alors que la soirée s’était résumée à un Perrier citron. On salue une nouvelle journée handicapée par une bataille contre laquelle on ne peut gagner que si l’on pioche dans les forces de nos vingt ans - la capacité à enchaîner les shots sans broncher. Sauf qu’on est vieux. Sauf que cette fois-ci, ce qui nous brûle de l’intérieur n’est pas de la bistouille, c’est notre propre discordance.
On est stressé mec. Chaque heure de notre vie est une affliction envoyée par l’Etna qui sommeille au fond de notre estomac. On a beau respirer ou tenter de gérer nos désespoirs, cela ne fait que monter, bouillonne en nous et ne sort jamais. En définitive, on n’est que le sombre bagnard de notre propre corps mais on continue notre vie tels des travaux forcés et rien ne nous autorise à s’en libérer.
Ce stress est vertigineux, il nous marque l’esprit et nous arrache le corps. C’est un gouffre mouvant et multiforme, un cauchemar sans trêve et pourtant si réel. Le comprendre est si difficile, le calmer encore plus, l’annihiler impossible.
Fais chier.
Les vacances de l’esprit s’imposent donc, un repos interne, un moment pour ajuster et équilibrer nos émotions. Quand ce stress nous donne la peur du sommeil comme celle d’un grand trou, il est bon de se rabattre sur le cœur. C’est le seul auquel on peut faire confiance les yeux fermés. C’est lui qui nous propulsera vers ce fer de lance qu’est l’action. Car lorsque que l’angoisse nous étouffe et que chacun de nos sentiments nous brûle, traverser cette période en restant vivant est une montagne à gravir.
Est-ce un signal d’alarme, des appréhensions mal gérées, des tensions de l’esprit ou de la peur ? Mystère. Ce qu’on sait en tout cas, c’est que ce stress, nous l’avons tous caressé avec dégoût au moins une fois dans notre vie. Mais on agit, on espère, on se motive et on s'applaudit d’essayer de vivre dédouané de celui-ci afin de répandre un parfum d’immortalité et de force en nous. Alors oui, on est ce mec moyen un peu stressé, mais qu’est-ce qu’on gère. On souffle.