On l'embrasse
On se réveille la tête infestée de pensées à peine bricolées. Brumes de rêves ou empreintes d'une réalité ?
Cela ne ressemble qu’à l’écho d’un cauchemar qui se répète. On sue, comme chaque matin. Cette fièvre tabasse notre corps et nous incite à rester au lit. C’est le bouton “Snooze” qui trinque. On se désole. Tous les jours notre tête nous hurle dessus : “lève-toi jean-foutre”. Et on s’exécute.
On rajoute un trait à la craie sur le mur de notre cellule intérieure. Elle grince salement. Pas la craie, notre solitude. Elle qui nous capture dès l’aube, sous la douche ou en attendant le métro. On se conforte en scrutant ces gens seuls eux aussi, qui attendent sur ce quai à l’odeur d’urine. L’odeur de notre solitude s’y rattacherait bien : dérangeante mais pas assez nauséabonde pour que ce soit insupportable. Elle nous piège. Quand on la vit, on veut la fuir. Quand on ne l’a pas on en a besoin. Puis on la subit. Trop longue, elle nous fait trembler de peur. Trop courte, tout nous dépasse. Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Pourquoi ce décalage une fois cette trentaine entamée. C’est flou, on est incapable de la dompter : est-ce vraiment de la solitude ? Ou de l’isolement ? A quel moment on panique nous ?
On n’a jamais eu peur de vieillir quand on était jeune. On avait le contrôle, plein d’amis. On n’avait pas le temps d’être seul. On était cool, beau et éternel. Aujourd’hui, on est seul dans la foule, on est bloqué dans une quête d'explications où l’alchimie ne prend pas. On se retrouve chaque jour un peu plus face à soi-même. Est-ce une forme de liberté ? Les philosophes disent que oui : “...qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté, car on n'est libre qu’en étant seul”.
Cela nous rassure dans notre condition d’homme moyen dont la sensibilité nous stresse au moindre sentiment de celle-ci. En avoir conscience nous permet d’éviter sa face ténébreuse. Nous ne sommes pas seuls, messieurs. Ensemble dans notre solitude à chacun, on galvanise notre ego, on se respecte, on s’aime et on continue de s’affirmer un peu plus. Alors on adopte notre solitude car c’est elle qui nous conduira vers les plus belles rencontres de notre vie. On l’embrasse.