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On y est en sécurité

Il était seul cette nuit-là. Perdu sous la pluie et écrasé par la valise de ses maux qu’il ne pouvait plus transporter. Forcé de s’arrêter, c’était pour lui l’escale d’un rêve ou la pause d’une vie. Elles avaient décidé de débarquer en même temps que lui, au même endroit que lui. Ce sont ces vérités qui heurtent. Celles qui déplaisent et qui viennent vous chiper ce dernier élan d’hédonisme. Celles qui surgissent soudainement et vous retirent la perspective d’humer cette dernière goutte de bonheur saupoudré d'égoïsme. Migrateur hier, sédentaire condamné aujourd’hui. Le voilà perdu dans ses terres sans courage, attendant demain pour guetter le ciel et s’imaginer un nouveau voyage plus exquis encore que les précédents.

Il était ce voyageur d’Europe pour qui la vigie n’avait pas d’horizon mais dont la boussole le ramènerait toujours là où tout avait commencé, sournoisement. A l’intérieur de soi. Au plus profond de ce mec moyen. Là où les réponses les plus claires sont dessinées à l’encre invisible. Là où les réponses ont l’odeur d’une évidence que nous sommes incapables de sentir. Là où elles vous touchent ; planquées derrière ce nombril et qu’on ne ressent que sous la forme d’une acidité lacérante. Ce sont bien ces objections du corps qui indiquent à un esprit épuisé le chemin qui désamorce les armes qui nous blessent. On ne le voit pas. Il est entaché par les larmes d’un périple couvert de peine, souillé par cette ombre qui occulte la clarté d’une vie simple qui hurle en silence juste devant soi.

Elle semble pourtant si proche et si facile à saisir, cette vie-là. Il semble pourtant si alléchant d’embarquer dans ce navire de l’existence qui va tout droit, sans pirates ni tempêtes. Mais pour aller où ? Et si cette nuit-là n'était pas juste la garde de notre cœur ? Et s’il ne s’agissait pas parfois de se paralyser un instant ? D’être, comme ce coquillage qui enregistre la mer depuis son rocher, celui qui se souvient de ces années oubliées qui font ce que nous sommes maintenant. Et s’il ne s’agissait pas d’être fier de l’érosion de sa vie ? D’aimer cette usure qui poétise ce qu’il y a de plus rayonnant chez soi ? Alors on s’y attache, à ce moi. On y est en sécurité.