On s'éteint
Chacune de ses larmes subissait cette aléatoire attraction et coulait comme une note de violon s’étire dans toute sa musicalité. Parfois longue et lourde ; ou courte et stridente de tristesse. Au souffle de ses pleurs elle dictait l’archet d’un cœur qui empêchait les notes d’exploser et ses cordes de se briser. Plus aucun rythme ne résonnait dans la peine que ces gouttes transportaient le long de ses joues. La seule chose qu’elle maitrisait, c’était ses pas. Cette cadence, marche après marche, lui permettant de s’enfoncer dans un métro qui n’étouffera son chagrin que l’espace de quelques stations.
Lui traînait des pieds, meurtri jusqu’au bas d’une rue bien sombre en ces nouvelles heures d’hiver. Chacun de ses doigts appuyait de plus en plus fort sur une touche noire ou blanche, faisant résonner dans sa tête l’écho saccadé de sanglots prisonniers. C’est en mélangeant cette larme noire à la transparence d’une autre plus belle que la couleur de son essence apparut plus sombre qu’il n’y croyait. Que devait-il faire face à ces yeux qui comprenaient ? Qu’avait-il à répondre à son silence qu’il entendait ? Comment laisserait-il la douceur de son esprit teindre le sien de couleurs plus heureuses ? Il aurait été si agréable de composer la mélodie d'un désir commun qu’on protège. De conter une histoire partagée qu’on aurait écrite à la mesure d’un métronome de bonheur. Il s’en est enfui. L’abandonnant là, coincée et coupable d’une inquiétude égoïste qu’elle ne méritait pas. Son violon dans les mains, il ne manquait à son opéra que cet impuissant piano, piégé dans le mutisme de son propre désaccord. Retrouvera-t-il un jour sa voix, se disait-il ? Peut-être est-ce toutefois ce piano ; une fois réparé, qui apposera quelques gracieuses notes autour des poèmes de sa vie, se disait-elle ? Et tout cela n’avait aucune réponse.
Il ne restait que l’amertume d’une chute brutale, ironiquement dûe à l’inertie d’un personnage dont le tourment éteint les flammes qu’elle avait su raviver. Alors qu’il s’agisse de paralysie, de colère enfouie, de joie ou d’apaisement qu’on se refuse, on se raccroche aux souvenirs d’une tendresse commune. A celle qui souriait de derrière ce pilier en fête.