On se réveille
L’homme révolté, l’homme des villes, l’homme qui désobéit. C'eût été plus glorieux qu’un simple mec moyen. Car même si l’on est convaincu depuis l’enfance que nos ancêtres ont construit notre grandeur et ont bâti les fondations d’une vie dont on peut profiter immensément, on manque encore à trouver nature et sensualité au plus profond de notre être. Cette liberté fait défaut. Et bien qu’on pavane semaine après semaine en étant fier de l’agilité avec laquelle on allie métro, boulot et apéro, l’erreur est là. Elle demeure en nous et nous rappelle chaque fois un peu plus avec quelle force l’uppercut du temps passé à vivre dans la frivolité nous a heurté.
Athée de l’existence, on se retrouve en territoire inconnu avec notre identité. Qui sommes-nous ? Que diraient nos aïeux ? Que dirait cet étranger qui, depuis la Méditerranée, nous observe flancher comme un citadin au bord d’un malaise dû à une énième canicule parisienne ? Ce n’est pourtant pas la ville - soi-disant dénuée de nature - qui nous crochète, au contraire, c’est bien elle qui nous permet de ne pas chuter. Elle nous redresse dans ce rythme effréné qui nous surcharge et absorbe nos névroses. Elle ne les soigne pas, non, mais les échange contre des moments d’ivresse et de bonheur qui, souvent, font un bien diablement fou. On se remémore le Printemps et ses jours agrémentés de soirées interminables durant lesquelles le soleil s’en commande lui aussi une dernière et se couche tard, ivre de couleurs orangées depuis le fond du ciel. On revoit son adolescence et ses amis, la famille et les amours, les ex’s et les diverses galères, aussi.
On avait oublié qu’on tentait de vivre, qu’on affrontait nos tensions et nos interrogations, qu’on paniquait à l’idée de faire de nos complexes notre force. Il aura fallu du temps, du recul et de la discorde pour enfin comprendre qu’on est ce qu’on tente de raconter sur soi-même. Et cela durera. On ne sera jamais quelqu’un d’autre bien qu’un homme libre essaye d’en renaître. Mec moyen certes, mais un être qui persiste en changeant. Le renouveau, l’ajustement d’une éthique et d’une révolte - la vertu d’être maître de soi, vraiment. On se réveille.