On l'adopte

On nous dit d’ordinaire qu’elle est le lieu de toutes les réponses, qu’elle est le nid dans lequel il fait bon de retourner quand tout va mal. Elle est cette mère qui nous rassure et ce père qui nous protège tant. Elle est généralement le fondement de notre raison elle-même. La famille est cette aura chaleureuse, fondatrice et réparatrice pour les plus chanceux d’entre nous.

Pour nous autres mecs moyens, elle revêtit une forme plus sombre, synonyme d’un profond déchirement et d’un insupportable fléau. Parfois même, elle n’existe pas. Et c’est au sein de cette source de névroses et de contradictions, au sein cet étalage de querelles et de fractures irréparables que l’on ne s’épanouit que très mal depuis le début de notre existence. Pourtant, on respire encore. D’une manière inespérée la surface reste encore et toujours atteignable et ce sont de larges bouffées d’oxygène qui nous ébranlent et nous expirent vers un avenir plus grand que sa maigre promesse initiale. On continue de se construire, basé sur cette éducation de l’effort établie tant bien que mal par notre lignée parentale. Car ils ont fait de leur mieux. Ils ont fait avec ce qu’ils savaient et avec les vérités qu’ils pensaient détenir. Comment leur en vouloir ?

Alors on passe de famille subie à famille choisie. On atrophie ces flammes de rage qui sommeillent en nous, celles qui plus d’une fois nous ont donné envie de fuir ceux qui nous aiment le plus. On essaye de faire avec tous les membres de cette hiérarchie familiale qui ne sont pas nous, quand déjà, on peine à porter le mec moyen que l’on est. Chaque famille renferme cet ennui intérieur qui nous effraie. Mais chaque famille détient aussi une puissante vertu, celle de la communion et du partage avec cette fraternité qu’est notre famille. Elle nous étonne car elle se stabilise à la frontière de notre individuel et de ce fabuleux groupe qu’est le cocon familial. Quoiqu’il en soit, cette famille - appréciée ou pestée - maintient cette solidarité, tend vers l’ouverture, l’humanité et le soutien. Alors on la met au centre de nos problématiques et de nos bonheurs, on la comprend et l’accepte telle qu’elle est. Car elle ne nous ment jamais. On l’adopte.