On improvise
L’universalité de l’enfance fait défaut. Pire, elle n’existe pas. Tout ce qu’elle subit n’est pas choisi, encore moins cette éducation qui pensait la sauver mais qui finalement la dévaste. Cette lubie moderne que représente cette instruction du bambin moyen qu’on était n’est qu’un phasme, un bruit qui se confond dans une école où chacun rapporte les névroses du foyer dans la cour de récré. L’éducation est un luxe que les plus riches de ce monde gâchent. Élève exemplaire. Il était ce copain à l’enfance sévère et impassible qui est devenu aujourd’hui cet homme fort. Elle était cette copine d’une enfance tapie dans l’ombre et le silence qui est devenue aujourd’hui cette femme forte. Eux résistent. Eux tiennent.
A t-on assez souffert pour être fort ? Doit-on être cet enfant qui ne sourit pas pour être cet adulte admiré ? Doit-on cet enfant moyen à ces parents qui ne furent ni trop impitoyables, ni trop indulgents ? Les excuses manquent, les défauts des cercles familiaux ne se comptaient à l’époque que sur les doigts d’une main. Bien trop peu pour expliquer un quelconque chambardement. Il n’y a rien. Rien qui ne puisse justifier qu’on se soit raté, qu’on ait subi ces échecs; scolaires, sportifs, humains, amoureux. Personne ne nous pardonnera de n’avoir pu aller chercher cette réussite qui était écrite dans les lignes du plafond de cette chambre confortable, au sein de cette maison chaleureuse et tenue par ces parents dont la passion est encore immortelle. Alors pourquoi ? Pourquoi tant de certitudes se sont-elles finalement gravées dans un marbre de doutes, incassable, figé et endurci par la misère des années ?
Quelques si forts amis finiront par dérailler. L’axe d’une force canalisée par un cœur sérré rompera, d’un coup sec. D’autres poursuivront un horizon qu’aucune vague ne viendra estomper. On s’en inspire car c’est la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante même si l’on ne touche pas tous ces rêves de la même façon. Alors on efface ces souvenirs du passé car on le peut toujours. L’oubli de ces mémoires enfouies laisse place à l’avenir. Il est le seul qu’on ne peut éviter. On se rattrappe à la branche d’une vie moins préméditée. On improvise.